Dissidences - 01.12.2007
di
Yannick Beaulieuleggi l'articolo
Eros FRANCESCANGELI, L'incudine e il martello. Aspetti pubblici e privati del trockismo italiano tra antifascismo e antistalinismo (1929-1939) ,
Issu d'une thèse de doctorat soutenue à l'université de Pérouse, l'ouvrage d'Eros Francescangeli se compose de quatre parties, qui reflètent une analyse plutôt diachronique, à l'exception de la dernière partie qui est beaucoup plus synchronique voire synthétique. Ce travail est tout d'abord une reconstruction minutieuse des origines de la dissidence trotskiste italienne. Francescangeli réussit à replacer la naissance de cette dissidence à la fois dans le contexte international, avec une analyse précise des positions du Parti Communiste Italien (PCI), de sa majorité et de ses opposants internes au Komintern, et dans le contexte italien à proprement parlé. S'il convient de mentionner l'influence importante d'Antonio Gramsci et les convergences idéologiques entre le fondateur de l' Ordine Nuovo et Léon Trotski, les trotskistes italiens se distinguent de deux grands courants d'oppositions au sein du PCI qui ont pour leaders : Angelo Tasca et Amadeo Bordiga. Les liens des trotskistes italiens avec les partisans de ce dernier seront constants et parfois conflictuels. La rupture des « trois » (Pietro Tresso, Alfonso Leonetti et Paolo Ravazzoli) avec la direction du PCI et notamment Palmiro Togliatti a lieu en 1929, elle fait suite à l'expulsion d'Angelo Tasca et à l'éloignement d'Ignazio Silone. Les « trois » sont en désaccord complet sur la stratégie et les analyses théoriques concernant les rapports du Parti Communiste avec la social-démocratie et la lutte contre le fascisme. Progressivement et malgré certaines hésitations des communistes italiens, la ligne stalinienne, mettant un terme aux fronts uniques antifascistes et d'assimilations des socialistes aux fascistes, devient la direction suivie par la majorité du PCI. Les « trois » sont exclus du PCI et donnent naissance à la Nouvelle Opposition Italienne (NOI). Auparavant Léon Trotski et l'opposition de gauche internationale étaient en contact avec la Fraction de gauche du Parti communiste d'Italie dirigée par Amadeo Bordiga. Les motifs d'opposition entre les « trois » et la direction du PCI sont nombreux et aussi bien idéologiques, stratégiques qu'organisationnels. Ils s'expriment par exemple contre le projet « Gallo » qui consistait en 1929 à rapatrier en Italie un nombre important de dirigeants communistes alors en exil principalement en France, en URSS, en Belgique ou en Suisse. En effet, depuis l'interdiction du PCI par le régime fasciste, la majorité des dirigeants et des cadres, ainsi que de nombreux militants du PCI sont en France, notamment à Paris avec bon nombre d'opposants à Mussolini. Cette situation de clandestinité et d'exil fragilise encore plus une opposition de gauche au PCI qui très vite va se scinder en différentes fractions, et où dans la grande tradition trotskiste une majorité s'opposera constamment à une minorité. C'est l'une des réussites de cet ouvrage, puisque l'auteur arrive à être tout à la fois précis sur les divergences stratégiques et idéologiques des diverses composantes du trotskisme italien, sans toutefois perdre son lecteur dans ces ruptures et querelles parfois byzantines. La situation même des « trois » qui participent tout à la fois aux instances internationales de la Quatrième Internationale, à la Ligue Communiste dans ses sections parisiennes, et au sein de la NOI, est riche d'enseignements pour la connaissance du trotskisme en France. D'autre part, Francescangeli apporte de nombreux éclairages sur les positions des trotskistes italiens concernant les débats et les scissions à l'intérieur de la Ligue entre les deux courants du début des années 1930, celui de Raymond Molinier et Pierre Frank et celui autour de Pierre Naville. Tandis que Pietro Tresso soutient les premiers, Mario Bavassano et Alfonso Leonetti se rangeront auprès de Naville et du courant majoritaire. Ensuite, l'auteur revient en détail sur les différentes formes d'entrisme au sein de la SFIO, puis au sein du Parti socialiste italien, il distingue les deux groupes trotskistes italiens, à savoir celui de Pietro Tresso (le groupe bolchevique-léniniste au sein du PSI) et celui de Nicola Di Bartolomeo et de son groupe dénommé « Nostra parola ». Il rappelle l'opposition des trotskistes italiens à la politique de fronts populaires de la fin des années Trente, et décrit la situation de plus en plus difficile pour ces militants après l'appel du PCI en 1936 vers les militants fascistes, qui reprenait même leur programme politique de 1919 mais rejetait avec violence les sympathisants de Trotski. Après avoir exposé les différentes ruptures avec le PCI, l'intégration au sein de la Ligue Communiste et au sein des instances de la Quatrième Internationale, Francescangeli revient sur les conditions de vie « publique et privée » de cette poignée de militants hors normes. En effet, très tôt, les trotskistes italiens sont forcés à l'exil, menacés par la police politique fasciste (qui infiltre principalement le courant d'Amadeo Bordiga), puis par les staliniens italiens et français. Cette dernière partie explicite le titre de l'ouvrage, les trotskistes italiens sont pris entre le marteau stalinien ( il martello ) et l'enclume fasciste ( l'incudine ). Cette dernière partie, nourrie des études les plus récentes et pertinentes concernant la police politique italienne, utilise de nombreux documents d'archives inédits (dont une partie est rassemblée à la fin de l'ouvrage, complétée par une excellente bibliographie) et permet de « redonner vie » à ses militants et dirigeants politiques qui ont eu des parcours admirables. Nous ne pouvons qu'espérer que cet ouvrage trouve un éditeur pour une traduction française.
Facebook
Youtube
Instagram